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Un jour d'avril à Guptkashi... sous ma tente, inspirée par l'immensité de l'Himalaya.

Janvier 2019.


Perchée à 1600 mètres d'altitude dans l'Himalaya, dans l'état indien d'Uttarakhand (Devbhumi en Hindi ou "Terre des Dieux"), la ville de Guptkashi n'a pas un charme extraordinaire. Et pourtant. Situé sur les hauteurs et à l'écart de la ville même, il y a Kedar Camp. Un campement...qui n'a de campement que le nom. Kedar Camp compte bien sûr des tentes et quelques petites maisonnettes pour accueillir les pèlerins indiens et les voyageurs étrangers en quête de treks, de visites de temples anciens ou d'authenticité. Mais il se dégage ici une atmosphère très particulière. Kedar Camp semble veiller sur Chaukhamba, cette imposante montagne à quatre sommets qui lui fait face. Son pic le plus élevé culmine à 7138 m. Juste devant nos yeux. Toute la journée.

Aux alentours du campement, les petits villages aux maisons colorées n'ont pas (encore) perdu leur âme. Mais il faut connaître l'endroit et avoir le courage de s'y rendre (7 heures de routes chaotiques au départ de la petite ville sacrée de Rishikesh sur les rives du Gange)...

Depuis plusieurs années, Kedar Camp est devenu comme un refuge familier et rassurant au fil de mes séjours là haut. Je viens de retrouver un petit texte rédigé sous ma tente un jour d'avril 2017. En hommage à cette terre où le sacré s'exprime divinement, je vais simplement le retranscrire.

"Le Garhwal est une région de l'Himalaya. Les Garhwalis sont réputés pour leur force et leur endurance. Ces hommes (et ces femmes) costauds figurent parmi les plus demandés dans l'armée indienne. Lui, c'est un Garhwali pur jus, natif d'un petit village situé de l'autre côté de la montagne où nous sommes. Des conditions de vie simples mais rudes, exigeantes. Une vie dans la nature, les traditions. C'est cela qui forge leur caractère. Tout autour du campement, la vie suit paisiblement son cours, comme si rien n'avait changé depuis des décennies - à part bien sûr le téléphone portable qui est dans toutes les mains.

Les femmes, en pantalon bouffant, longue tunique , pull en laine par-dessus et foulard sur la tête, ont un très joli visage. Des traits fins. Un sourire généreux et des yeux brillants. Leurs vêtements richement bigarrés ponctuent, au loin, le paysage verdoyant de taches de couleur joyeuses. Leurs éclats de voix et de rire résonnent. Souriantes alors qu'elles travaillent dur, elles forment des petits groupes et s'épaulent. Elles fauchent et ramassent des herbes, du bois et des feuilles séchées qu'elles entassent dans un panier en osier porté sur le dos. Une multitude de petits sentiers très abrupts serpentent dans les collines et à travers les terrasses. C'est là qu'elles se fraient un passage. Toutes les cultures se font en terrasse ici. Blé, riz, millet.

Les hommes, à l'aide de vaches ou de buffles noirs aux yeux si doux, retournent la terre comme dans le bon vieux temps. Un gros bout de bois est attaché à la bête qui, au rythme des "ha, ha, ha" des hommes, avance et tire la herse constituée de picots qui s'enfoncent dans le sol pierreux.

Dans leur bel uniforme, les enfants, aux yeux pleins de vie et aux cheveux noirs jais impeccablement peignés (tressés chez les filles), dévalent les pentes escarpées en trottinant gaiement pour se rendre à l'école. Et tout ça le plus naturellement du monde alors que moi je suis vite à bout de souffle !

On sent vraiment une grande sérénité dans le quotidien de ces habitants de la montagne. Comme tout le monde, ils doivent eux aussi vivre des moments difficiles. C'est universel. Mais cela ne semble pas troubler leur calme inné. Une vie simple, tellement simple qu'elle pourrait sembler inenvisageable pour nous, les "Occidentaux" au mode de vie devenu si élaboré qu'il nous a plongés dans la dépendance viscérale au confort matériel et à l'apparence. Maya...ou l'illusion en Sanskrit. Maya est omniprésente. Mais plus grande encore chez nous. C'est à peine s'il existe autre chose que cette Maya, cette illusion entretenue. Tout est Maya, poudre aux yeux, marchands de rêve, distraction, spectacle permanent. La nature perd du terrain et se fait manger par le béton, les routes, les gratte-ciel, les bureaux. On vit enfermés dans nos tours d'ivoire, si frêles. Prisonniers d'un confort routinier qui nous a éloignés de nous-mêmes. Mais est-ce inéluctable ? Est-ce trop tard ? Est-ce vraiment une source d'harmonie pour une "civilisation" digne de ce nom ? Notre appétit démesuré du "mieux" et du "plus" pourrait-il se tourner vers une ardeur intense de vivre, d'être, et faire grandir notre conscience ? L'Inde est un miroir. Mais un miroir spécial. Qui nous renvoie une vision du monde radicalement différente, une autre perspective sur la vie. A nous d'admirer cette beauté. Ou de l'éviter."

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